A la Laverie

Ce vendredi-là, j’avais décliné la proposition de sortie de mes copines au motif d’avoir des lessives à faire. Cette décision ne résultait pas d’un manque d’habits propres. Ma semaine avait été plutôt déprimante. Beaucoup trop de travail, des deadlines oppressantes, des clients sur les nerfs, une migraine constante. J’avais besoin d’un peu de temps pour me vautrer dans la solitude et récupérer un peu. Une laverie, un vendredi soir vers 20h, me semblait l’endroit idéal.

J’étais en train de trier mes habits : les blouses délicates, les chaussettes de sport, les pantalons blancs à l’écart des serviettes rouges… Le carillon de la porte d’entrée retentit et il apparut.

Cet homme respirait la confiance en lui. Il ne semblait que force et détermination en avançant dans la pièce. Ses yeux étaient sombres et pleins d’autosatisfaction. Ses cheveux bruns étaient épais.

Je ne fus soudain plus capable de réfléchir correctement. Mon cerveau avait ralenti. Cela faisait des années qu’un homme ne m’avait pas fait un tel effet. Celui-ci pourtant, avait rallumé une étincelle dans mes souvenirs. A tel point que mes mains n’essayaient même pas de cacher mes vêtements sales.

L’homme a ouvert le couvercle de la machine à laver et s’est penché dessus. Son cul remplissait parfaitement son jean Levi’s délavé. J’aime ce genre de cul.

Il en est sorti les bras chargés de vêtements humides qu’il a enfournés dans un sèche-linge juste à côté. Il a glissé 4 pièces et a fermé la porte de la machine d’un coup de hanches. Il me lança un clin d’œil rapide puis quitta la laverie. J’ai posé une main sur ma poitrine et essayé de calmer mon cœur.

Je me tenais là, agitée. Son regard m’avait rendue à la vie en ce vendredi soir. Il avait envoyé valser mon blues comme le soleil le fait avec le brouillard matinal. En reprenant mes esprits, je reconnus mon pyjama, autrefois blanc mais désormais rose au sommet d’une pile de vêtements avec une grosse culotte beige sur le dessus. J’étais en colère qu’il ait pu voir ces habits qu’absolument personne n’aurait jamais dû voir.

J’ai jeté mon linge dans une machine à laver, comme si cela pouvait cacher mon sentiment de honte. L’eau se mit à glouglouter dans les tuyaux et la machine se mit à tourner. Je me demandais qui était cet homme. J’avais vraiment envie d’en savoir plus. Qu’est-ce que ses habits pouvaient bien révéler de lui ?

Je sautai de la machine sur laquelle je m’étais assise pour commencer mon enquête à partir de ses vêtements. Un coup d’œil rapide vers son sèche-linge me permit de découvrir qu’il avait laissé une chaussette à la traîne. Une chaussette noire. Je pensais à la ramasser et à la mettre dans le sèche-linge. Je détesterais avoir une chaussette humide sur une pile de vêtements tout chauds et secs.

J’étais seule dans la laverie. Personne pour me voir. Je ramassais la chaussette avec la rapidité d’un pickpocket. Environ 20 cm, toujours humide. Une question me traversa l’esprit : est ce qu’il s’était déjà servi de cette chaussette pour se masturber ? Ou est-ce qu’il avait laissé tomber les chaussettes pour cet usage depuis sa sortie de l’adolescence ? J’insérai mes doigts dans la chaussette, là où son sexe s’était peut-être déjà trouvé.

J’ai repris mes esprits, ai ouvert la porte du sèche-linge et lancé la chaussette à l’intérieur. Avant de la refermer, j’ai jeté un coup d’œil à ses vêtements : une chemise bleu ciel avec un col à boutons, des boxers à carreaux, des pantalons kaki.

Je nous imaginais tous les deux sur un canapé confortable, lui me tenant dans ses bras, ses yeux plantés dans les miens. Le dos de sa main caresse ma joue et mon menton. Il remet une mèche de cheveux derrière mon oreille puis faisant glisser sa main le long de mon dos jusqu’à l’élastique de ma culotte. Il me ferait bouger doucement pour me placer sur lui, pressant son long sexe contre moi. Seul le fin tissu rose de ma culotte nous séparerait.

Je refermais la porte du sèche-linge. Je dus reprendre ma respiration.

Dans le tambour de la machine, tournaient des shorts de sport Nike, des chaussettes hautes noires et des caleçons gris avec une bande élastique fluo.

Je l’imaginais se tenant devant moi avec son torse musclé et si plein d’assurance. Les mains derrière la tête, ses yeux regardant mes doigts jouer avec l’élastique de son caleçon, le titiller, m’approcher le plus près possible de son sexe pour le faire bander, lui donner envie que ma main s’empare de son pénis, grimaçant de plaisir pendant cette attente. Je libèrerais ensuite son sexe du caleçon afin qu’il puisse contempler l’éclat de mon visage. Puis j’embrasserais son gland.

Dans le sèche-linge, il y avait aussi une chemise hawaïenne à manches courtes avec des oranges et citrons verts.

J’imaginais un tiki bar, des bouteilles vides de Corona, des margaritas, une bouteille de tequila à moitié bue… Ses yeux qui jetteraient des regards en direction de mes seins à peine couverts par mon tout petit haut de maillot. Sa main remonterait le long de ma cuisse et se faufilerait sous ma jupe. Mes cuisses commenceraient à trembler en la sentant s’aventurer plus haut. Ses doigts pourraient explorer toutes les zones : mon bas de maillot, ma toison épilée ou mes lèvres.

Je vis aussi dans le sèche-linge, usé, élimé et passé, un t shirt noir avec la fameuse bouche des Rolling Stones dessus.

Mes tétons pointèrent, se frottant au tissu alors que je me tournais. Je voulais qu’ils les prennent dans sa bouche. Je voulais sentir sa langue bouger, la regarder évoluer sur ma peau. Je voulais qu’il embrasse chaque parcelle de mon corps, qu’il aime ça.

Je vis ensuite un autre t-shirt à manches longues, cette fois-ci avec un motif camouflage.

Cet homme avait surement envie et surement assez de confiance en lui pour m’allonger sur le dos et lever mes jambes jusqu’à ses épaules. Il attraperait mes pieds et écarterait mes jambes en grand. Je sourirai avec délice en songeant à l’écartement de mes lèvres, à mon endroit secret, au contact de son sexe contre moi. Mon dos se cambrerait et mon visage se tordrait sous l’effet de la pénétration. Souriant à cet homme au-dessus de moi alors qu’il effectuerait des mouvements de va et vient. Ses yeux se fermeraient face aux délices procurées par ma chatte. Des décharges électriques parcourraient tout mon corps.

Dans le Lavomatic, je devais une fois de plus retrouver un rythme cardiaque normal.

Quelques minutes plus tard, sa machine se termina. Quelques instants après, le carillon de la porte d’entrée retentit à nouveau. Toujours aussi plein de confiance, il chantonnait comme si la vie lui souriait. C’est ce que je voulais ressentir moi aussi. J’avais envie de lui.

Envie de lui ? Mais je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam. Il fallait vraiment que je me calme, que je maîtrise mes émotions et mon corps en chaleur. Je faisais de mon mieux jusqu’à ce qu’il m’adresse la parole.

– Ta soirée se passe bien ? me demanda-t-il en ouvrant le sèche-linge.

– Oui, c’est juste une soirée laverie, dis-je en haussant les épaules, jouant la carte de l’indifférence.

Il sortit un paquet de vêtements du sèche-linge qu’il mit dans un panier :

– Je vois ça. Est-ce que tu viens souvent ici le vendredi soir ?

– Non, c’est la première fois.

– Alors je suis content d’être venu ce soir. Je m’appelle Luke, me dit-il en souriant.

– Elaine.

J’ai eu l’impression de murmurer mon prénom comme une pré-ado mal dégourdie devant son crush.

Il s’appuya sur le mur de sèche-linges.

– Comment se fait-il que tu passes ton vendredi soir ici ?

– Je voulais passer une soirée toute seule.

En prononçant ces mots, j’espérais ne pas avoir été trop désagréable car je le vis froncer les sourcils, prêt à s’en aller.

– Je ne te dérange pas plus longtemps dans ce cas, dit-il en se tournant vers ses habits. Il attrapa deux chaussettes.

– Non non, pas de problème, reste.

Je m’approchai de lui, en lui touchant maladroitement l’épaule :

– Ça fait du bien de ne pas être avec ses amis et de rencontrer une nouvelle personne.

– Les nouvelles rencontres peuvent être excitantes, dit-il en enroulant ses deux chaussettes en une petite boule.

Un silence embarrassé s’installa entre nous alors qu’il plia sa pile de linge. Il le rompit finalement :

– Je voulais laver quelques vêtements. Et je pensais peut-être sortir après. Je ne sais pas trop où cependant. Ma soirée a été plutôt ennuyeuse.

Je restais silencieuse. Il poursuivit :

– C’est terrible lorsqu’on s’ennuie le vendredi soir. C’est l’un des deux seuls soirs ou l’on peut se coucher tard et dormir le lendemain.

– Tu viens de réaliser à quel point les vendredis soirs sont précieux.

– Aussi précieux que de l’or, dit-il en pliant un t-shirt rouge.

Nous rîmes en même temps.

Luke accrocha l’une de ses chemises à col sur un cintre et se tourna vers moi. Il était évident qu’il avait une idée en tête :

– Tu as bientôt terminé ?

– Mon dernier lot de vêtements est presque sec.

Reprenant un peu de poil de la bête, j’ai sauté sur une machine, attirant son attention sur moi plutôt que sur ses vêtements. Il avait un beau sourire et des yeux bleus.

– On ne voudrait pas gâcher un de ces vendredis soirs parfaits si ? Peut-être qu’on devrait en profiter pour sortir ? Tu sais ce qu’il y a de mieux à faire après une session laverie le vendredi ? me demanda-t-il.

– Pas vraiment non.

Je restais prudente malgré ma très forte attirance pour lui. Sa suggestion pouvait signifier bien des choses.

Il me montra sa chemise avec les oranges et les citrons verts et la secoua pour la défroisser.

– Je l’ai achetée l’hiver dernier à Puerto Vallarta.

– Je te préviens, je n’ai pas l’intention de partir à Mexico une fois la machine terminée, lui dis-je en riant. Il fit de même. Je me sentais reprendre un peu le contrôle. Mon pouls était plus régulier.

– Que dirais-tu d’un tiki bar, d’une Corona, d’un margarita ou deux ? Je connais un endroit tout près d’ici.

Je descendis de la machine à laver sur laquelle j’étais assise.

– Est-ce que j’aurais besoin d’un bikini et d’une jupe de vahiné ?

Il leva son sourcil gauche, incrédule alors qu’un sourire se dessinait sur ses lèvres.

– Tu as un bikini avec toi là ? me demanda-t-il en pointant du doigt ma pile de linge. Parce que j’aimerais te voir en porter un.

– Et toi ? Tu as un maillot de bain là-dedans ? lui répondis-je en posant une main sur ma taille.

Il fit claquer ses doigts en riant :

– J’ai laissé mon string ficelle de Borat à a maison.

– Désolée, je n’ai pas de string avec moi non plus, lui dis-je en claquant des doigts à mon tour.

Nous rîmes à nouveau. Il avait un rire profond, magnifique. Pour moi, ce rire était révélateur de son charisme, de ce qu’il représentait de lumière dans une nuit parfaitement banale.

– Les maillots et les strings ne sont pas obligatoires dans le bar. Je pense même que je me ferais virer si j’arrivais accoutré comme ça. En revanche, si tu venais en string, on ne te laisserait plus jamais sortir !

Le sèche-linge venait de s’arrêter :

– J’ai juste besoin de plier quelques habits.

Je défroissai un pantalon blanc avant de le plier.

– Qu’est-ce qu’on va faire de nos habits propres ? lui demandai-je. La logistique ayant fait irruption dans mes pensées.

– On peut les déposer chez moi. J’habite à quelques rues d’ici. J’ai reçu mon nouveau canapé aujourd’hui et j’aimerais bien avoir ton avis à son sujet.

Tout au fond de moi, j’avais envie de voir ce canapé, de le toucher et de m’allonger dessus mais je réfrénai cette pensée et lui dis :

– Peut-être qu’il est un peu trop tôt pour que je te donne mon avis sur ton canapé non ?

Il parut un peu gêné. Puis son visage s’est éclairé et il me dit avec un clin d’oeil :

– Tu as un esprit vif. Tu as forcément une opinion. Et je trouve ton « opinion » très sexy.

J’ai fait non avec mon doigt en lui lançant tout de même un sourire équivoque. Il ne savait pas ce qu’il provoquait chez moi. Il ne fallait pas qu’il le découvre trop tôt. Il allait devoir mettre un peu du sien pour obtenir mon « opinion » sur son canapé.

– Nous verrons bien comment se passe la soirée, lui dis-je finalement.

– Pour le moment, je t’emmène au bar. C’est ma tournée.

J’acquiesçai d’une façon faussement nonchalante et lui dit :

– Peut-être que plus tard, la tournée sera pour le canapé…

– Il faudrait faire attention, il est tout neuf.

 

* Cette nouvelle a été traduite de l’anglais d’après un texte écrit par Claire Woodruff. Vous pouvez découvrir le texte en version originale ici.