Hantise – Partie 3

Erwan poussait de petits grognements d’excitation qui me comblaient d’aise. Je jouais de tous mes muscles internes pour lui assurer l’étroitesse la plus jouissive possible. Il s’arracha soudain à moi et je sentis qu’il s’agenouillait sur le sol bancal.

L’ingé-son m’écarta les fesses, je courbai le dos, attentive à la moindre de ses réactions. Du plat de la main, il les fit rougir sans excès en balbutiant des paroles incompréhensibles qui m’excitèrent au plus haut point tandis que son autre main manipulait mon con trempé.

– J’ai envie de ton cul, je veux t’enculer, finit-il par dire.

Je me tournai vers son collègue et lui fit signe de s’approcher.

D’abord hésitant, l’homme délaissant la poursuite qu’il faisait courir sur la scène s’approcha de moi. Erwan le nez entre mes fesses tentait de me pénétrer de sa langue, il grognait sous l’effort. Bientôt son majeur vint à la rescousse, profitant de l’humidité ambiante pour forcer mon anneau plissé.

Sur la scène, une femme peinte en rouge faisait courir ses longs cheveux d’or sur la poitrine d’un comédien. Je n’eus pas le loisir d’approfondir, un second doigt tentait de forcer l’étroit passage menant à mes entrailles. Me retournant à demi, je vis Erwan humidifier le préservatif qu’il arborait. Son compère s’empara de son sexe et se le fourra dans la bouche. J’eus un hoquet de surprise à la vue de cet autre mâle, un jeune type aux cheveux ras, gober ainsi ma proie. J’adore mater les hommes entre eux, à condition bien sûr qu’ils s’occupent ensuite de moi.

Je tendis une main secourable vers l’érection de l’homme lumière et commençai à le caresser tandis que son collègue, les mains sur mes hanches, mimait l’acte d’amour dans sa bouche.

Mon appareil photo gisait sur le plancher, à côté de mon sac à main et de mon calepin. J’avais ôté mon chemisier, mes seins jaillissaient de mon soutien-gorge. Erwan s’était servi de mon crayon de bois pour maintenir en un chignon imparfait mes cheveux au-dessus de mon cou pâle qu’il agaçait à petits coups de langue tandis que son collègue le suçait goulûment.

Sur la scène, se fichant de l’absence du projecteur nomade, les comédiens se roulaient et s’enlaçaient en des parodies de corps-à-corps. Leurs corps luisant de transpiration projetaient sur les premiers rangs des gouttelettes de sueur. Ils poussaient des grognements bestiaux, une véritable caricature de spectacle post-contemporain.

J’eus soudain envie d’être prise par les deux mâles que j’avais à disposition. J’avais la chatte en feu, la respiration courte, le clitoris hypertrophié ou presque ! « Baisez-moi tous les deux ! » ordonnai-je en soupesant mes seins aux larges aréoles.

L’homme aux cheveux ras fouilla dans sa poche, en sortit un préservatif et se l’enfila. Je me coulai jusqu’à lui et entrepris de le lubrifier, de la chatte et de la bouche. Tant que j’y étais, j’en profitai également pour lui titiller les couilles de rapides coups de langue, langue indiscrète qui descendit plus loin, bien décidée à mettre à nu le cul niché dans un petit buisson de poils frisés que j’agaçai gentiment.

L’homme se déshabilla entièrement puis s’allongea sur le sol, le sexe à la verticale. Il en compressait la base avec la main afin sans doute d’en accroître la raideur. Je compris l’invite et mes deux jambes soulignées de noir l’encadrèrent aussitôt.

Avec une lenteur étudiée, je m’empalai sur la hampe roide. Je la sentis qui forçait mes chairs fiévreuses et s’enfonçait au plus profond de mon ventre. Je m’allongeai sur l’homme, lui léchant les tétons, les lèvres, le cou, tandis qu’Erwan, se plaçait derrière moi. Je sentis tout d’abord sa langue sur ma rosette, puis ses doigts qui, puisant aux sources de mon lubrifiant naturel, pressaient les plis ordonnés interdisant, pour l’instant, l’accès à tout corps étranger. Mais depuis ce matin, Erwan ne m’était plus un corps étranger et je sentis très vite un doigt humide me pénétrer.

Tandis que son collègue me pilonnait, Erwan explorait, écartait, distendait mon cul, du doigt et de la langue, des doigts devrais-je dire. Puis, tandis que son collègue marquait une pause, il glissa son érection entre mes fesses et força l’étroit passage, me tirant des larmes de douleur mêlée de plaisir. Prise en sandwich entre les deux hommes, je sentais leurs sexes explorer mes tréfonds, en un rythme lancinant.

Les yeux clos, attentive au plaisir qui peu à peu m’envahissait, je m’ouvrais aux caresses de l’un et de l’autre. Mes mains ne restaient pas inactives puisque l’une et l’autre caressaient, au gré de leur accessibilité, cuisses, couilles et fesses.

Bientôt, nous changeâmes de position.

Cette fois, Erwan s’assit sur une chaise branlante.

Je l’enjambai et offris mon calice à son membre gorgé d’envie tandis que son collègue, profitant de ma corolle grande ouverte par son prédécesseur, enfonçait son pieux dans mon cul. Erwan avait glissé sa main contre mon ventre, ses doigts jouaient avec mon bouton de chair et à chaque mouvement de l’un comme de l’autre, des vagues concentriques de plaisir se répandaient dans chacun de mes atomes enfiévrés.

Puis nous retombâmes au sol, nos corps se mêlant avec ferveur, nos mains et nos langues se cherchant, se trouvant, nous n’étions plus qu’un, plus qu’une entité riche de trois sexes avides de sensations ultimes, de plaisirs extatiques.

Et tandis qu’en bas, une salve d’applaudissements se faisait entendre, saluant frénétiquement la performance des comédiens peinturlurés, nous, là-haut, aux portes du Paradis, nous partions chacun à notre tour, répandant nos sucs et nos semences sur les uns et les autres, jouant de nos corps et de nos foutres à l’unisson.

Alors que je criais ma jouissance sans retenue, je sentis une vague odeur de lys, de roses fanées et de verveine.

Une senteur légère, subtile mais bien réelle. Pour preuve, mes deux compagnons la sentirent également, qui se relevèrent d’un bond, réunirent leurs fringues à la hâte et partirent en courant en m’ordonnant de faire de même.

– La dame blanche, la dame blanche ! s’écria Erwan pour toute explication !

Je secouai la tête, quelque peu désorientée, et me rhabillai à la hâte.

Je venais de quitter les cintres quand je fus une fois encore assaillie par ce même parfum musqué, celui-là même qui m’avait effleuré le matin dans le bureau d’Annie, celui-là même qui venait d’interrompre nos ébats.

Mais plus fort, plus prégnant. Beaucoup plus.

Du coin de l’œil, je surpris un brusque mouvement dans la pénombre.

De rares ampoules faisaient courir des ombres inquiétantes dans les coulisses.

Je continuais de percevoir les clameurs orgasmiques provenant de la salle proche. J’appelai doucement.

– Il y a quelqu’un ?

Seul un léger souffle d’air frais venu de je ne sais où me répondit.

Il y eut un semblant de mouvement au bout du couloir. J’accélérai le pas. L’étrange exhalaison se faisait plus intense. J’aurais dû fuir, comme les autres, mais non !

Un étroit escalier se perdait dans l’obscurité.

Je me félicitai de posséder l’appli « lampe de poche » sur mon cellulaire.

Guidée par la lueur blafarde de mon téléphone, je descendis les degrés de bois.

Les murs paraissaient respirer.

Je m’arrêtai un instant, les sens aux aguets.

Ce n’était que ma respiration oppressée.

Une nouvelle fragrance, subtile, aérienne cette fois, me caressa les narines.

Je ne croyais pas alors aux fantômes, mais au pouvoir de la suggestion. Je savais que mon esprit tricotait quelques émotions sulfureuses à partir de toutes les informations recueillies aujourd’hui.

Mais je savais également que quelqu’un ou quelqu’une jouait avec moi. Ma curiosité naturelle, « La curiosité n’est pas un vilain défaut », a coutume d’affirmer mon rédacteur-en-chef, m’incitait à poursuivre. Annie ne m’avait-elle pas laissé toute latitude pour explorer les lieux ?

J’ignore combien de temps je descendis ainsi dans le ventre du théâtre, guidée par d’impossibles ébauches de senteurs anciennes, effluves incertains arrachés aux pages d’un vieux livre.

Je marchais, insouciante et fascinée, sur d’antiques sols dallés, longeant des murs de pierres érigés voici deux millénaires, pour finalement me retrouver face à une cloison qui m’apparut plus récente.

Une explosion parfumée assaillit alors mes narines, une exhalaison au bouquet agressif, une émanation presque physique qui m’étourdit au point que je crus à mon tour mourir par surdose d’essences florales, à l’instar de l’héroïne de Zola.

Je repris mon souffle, la main sur la poitrine, adossée à la paroi de pierre.

Il me sembla entendre des murmures au-delà de la cloison.

Je me rendis compte qu’il s’agissait d’une banale cloison de bois sur laquelle avait été taloché un enduit de plâtre verdi et suintant.

L’âcre parfum de fleurs séchées, persillé de menthe et de verveine, m’envahit tout entière et perdant toute raison je me mis à donner coups de pieds et de poings contre l’obstacle qui ne mit guère de temps à s’effondrer.

La batterie de mon téléphone s’épuisait.

Mais le mur en partie abattu, sa lueur incertaine révéla deux cadavres momifiés, enlacés, encore vêtus, l’un des lambeaux d’une soutane, l’autre des vestiges d’une robe de scène ornée de fleurs flétries.

Je viens d’assister aux obsèques des deux dépouilles.

Les restes plus que centenaires ont révélé des traces lointaines d’arsenic.

L’Histoire soupçonne aujourd’hui le mari bafoué d’avoir empoisonné les amants avant de les emmurer.

Le père Delcourt et Danaé reposent désormais en paix en un lieu consacré.

J’ignore s’il existe un lien de parenté entre Danaé et moi. Je n’ai pas souhaité effectuer de test ADN.

En refermant la grille du petit cimetière, une fragrance oubliée mais désormais familière a, l’espace d’une seconde, caressé mes narines.

J’ai su alors que le parfum de Danaé ne hanterait plus les coulisses obscures du vieux théâtre à l’italienne.

Fin

Nelly BerteenArticle écrit par Nelly Berteen

Auteure multi-genres, entre ésotérisme et érotisme, thriller et polar, Nelly Berteen est journaliste de presse écrite. Passionnée de sciences occultes et de paranormal, bibliophile, collectionneuse d’ouvrages qui voici quelques siècles l’auraient conduite au bûcher, elle met sa plume au service d’enquêtes aux confins du surnaturel.

Elle s’attache également à faire connaître des auteurs et auteures qui évoluent dans ses domaines de prédilection.

Parce que l’écriture n’est pas une souffrance, bien au contraire!