Seize ans – Partie 2

 

Une fois seuls entre potes, on s’était racontés les mains baladées, les caresses… Nul doute que les filles allaient faire de même, avec beaucoup plus de détails… A la lumière discrète de la lampe torche posée contre un duvet, on revivait cette partouze qu’on savait pourtant à peine nommer (c’était le tout début d’internet, et la culture des jeunes était encore très empirique). Mon pote roula encore un joint (peut-être le vingtième de la soirée) et on décida d’ouvrir une dernière bière à se partager (le shit, ça assoiffe). J’étais moins loquace que mes copains. Plus pudique à coup sûr, même si je couvais déjà un sens du coquin et du raffinement qui se révèlerait des années plus tard. Mais à cet âge-là, comme chez beaucoup d’ados, le sexe, enfin l’amour, me fascinait, occupait toutes mes pensées en même temps qu’il me mettait une pression de dingue. A tel point que les études ne me causaient elles, plus aucun stress. Mes potes s’en donnaient à cœur joie : l’un racontait son missionnaire et l’autre sa pipe, comme s’il s’agissait d’exploits. C’était un peu leur Everest, il fallait en convenir. En reparler était pour nous une manière de revivre ce sommet de volupté, ce graal de l’érotisme que nous avions rencontré ; et pour être tout à fait franc, moi aussi, intérieurement je buvais de nouveau au calice de ma jolie brune.

A évoquer tout cela, l’un de mes potes finit par nous dire « putain, je rebande ! » J’aurai rigolé si j’avais été moins défoncé, mais j’étais encore, quelque part, entre les cuisses de ma belle hippie. L’autre par contre s’esclaffa : « fais voir ! »

Pas démonté, mon pote sortit son pénis du duvet, un court instant, mais suffisant pour donner à voir sa physionomie. Mise à part la mienne que je sollicitais sans retenue depuis quelques années, et au-delà de la très précieuse collection de VHS du père de mon voisin, je pense que c’était la première fois que je voyais une bite en érection en vrai. L’impression était grande. Notre autre copain, le missionnaire, avait fait des yeux tout ronds lui aussi. Cela avait quelque chose de charmant, cette situation. Et délicieusement transgressif. Tant qu’on ne touche pas, aucun problème de morale finalement. Puis il nous dit :

–  Et vous ?

–  Je ne bande pas perso, répondis-je en me défaussant.

–  Moi non plus, dit l’autre. 
Mes deux amis étaient en face de moi, presque côte à côte. On était tous dans notre duvet, et la main sur les parties, c’était évident. Les mecs font toujours ça, même à plusieurs. En particulier à cet âge. Et il faut dire qu’il avait remis de la tension sexuelle ce con, en sortant sa queue. Alors il tendit le bras pour poser sa main sur le duvet de l’autre, entre ses jambes, l’air de rire, comme pour une blague. Mais personne n’était dupe, même si on souriait.

– Je suis sûr que si je laisse ma main, tu vas bander en quelques secondes ! Ah ! Ca y est, tu vois, allez sors-la, t’as plus d’excuse !

L’autre était un peu figé.

– Allez, aide-moi, toi ! Il veut pas nous montrer sa bite, le mec !

Moi, j’étais immobile. Comme dans la foule d’un théâtre quand le magicien cherche un membre du public pour monter sur scène. Genre « si je ne bouge pas, on ne me verra pas ». Je trouvais la situation excitante, mais rien à faire. Si ça devait dégénérer, je comptais bien n’y être pour rien. Je préférais encore avoir des regrets que des remords. Puis voyant que personne ne mouftait, mais sentant clairement une queue en érection cachée sous le duvet, mon ami y plongea la main pour la saisir en se faufilant dans le pantalon de l’autre. Il commença à le branler.

L’autre se laissait faire, et glissait lentement jusqu’à finir complètement allongé. En continuant à l’astiquer, mon pote se déshabilla complètement, puis finit par bazarder le duvet de l’autre, avant de l’aider à se déshabiller. Les deux bandaient comme des ânes. L’un se laissait faire et l’autre s’agitait à genoux au- dessus de lui. Il était beau, ce tableau. Ils étaient beaux mes potes. Je les regardais dans la faible lumière de notre bulle. Ils étaient imberbes, sculptés, et on pouvait voir leurs abdos se dessiner avec les contractions de plaisir.

Je les ai regardés comme ça, un long moment, l’un branlant l’autre sans être lui- même caressé mais gardant une queue bien ferme et tendue devant lui. Il l’a branlé jusqu’à ce qu’il laisse échapper de puissants jets l’arrosant sur tout le ventre. Puis après il se branla au-dessus de l’autre, avec force, et éjacula seulement quelques instants après lui, le trempant encore plus. Je ne les avais pas touché, les deux avaient même du m’oublier quelques instants. Mais ils m’avaient fait voyager.

Nous nous endormîmes peu de temps après. Les deux s’étaient remis dans leur duvet, après que l’instigateur nous ai dit « c’était bon hein ?!», le sourire aux lèvres, pour dédramatiser le truc, qui n’avait rien de méchant en fait.

Dans le silence de la nuit profonde, je me branlai à mon tour, lentement et avec application. Pour ne pas faire de bruit, ne pas être surpris, tout en jouissant du risque de l’être. A mon tour, j’allais tremper mon duvet, des odeurs, des goûts et des images plein la tête, en pensant être avec mes potes, en prenant ma petite brune comme un homme… En revivant les choses en moi et en mieux, car en soi tout est permis.

Le lendemain, on prit un petit déjeuner chez les parents. Comme si de rien, avec nos tronches d’ahuris. On les avait à l’envers, nos têtes, mais ça n’allait pas durer longtemps. On se remet vite à cet âge. D’ailleurs, on allait – vraiment – se remettre d’équerre. Car les filles revinrent dans l’après-midi et l’on fêta ça avec quelques pétards. Pas d’alcool. Allez savoir, l’alcool c’était pour le soir uniquement. On avait une hygiène de vie, apparemment. On ne reparla pas de la soirée de la veille, à part quelques allusions des deux autres garçons. Moi, je regardais ma conquête de la veille ou plutôt je cherchais son regard. Mon cœur d’artichaut cognait comme un beat électro. Il faisait chaud, le soleil tapait franchement et je fantasmais une sieste avec elle, à l’ombre des arbres, sur un tapis d’épines de pins. Elle avait la peau brune, comme ses cheveux, et ses yeux noisette finissaient de lui donner ce côté exotique. Son déo bon marché et le monoï qu’elle se mettait sur les jambes lui donnaient un parfum des îles. Il ne m’en fallait pas plus pour voyager, et franchement, cette fille était jolie comme une enfant et sexuelle comme la femme qu’elle devenait. Je regardais ses bras et le fin duvet brun en train de blondir avec le soleil. Je regardais ses oreilles de petite elfe quand elle se rabattait les cheveux d’un côté. Je trouvais jolis ses longs doigts qui amenaient avec délicatesse ses clopes à ses lèvres couleur d’acajou.

Je me suis toujours agacé de mon incapacité à être entreprenant. Et dans le même temps, j’ai toujours eu l’inclination à me jeter à l’eau mieux que personne. Comme tous les timides, j’étais capable de petits exploits sur moi- même. M’asseyant à ses côtés pour lui piquer une cigarette à rouler, je lui glissais à l’oreille :

–  Je ferais bien une balade, plus haut, voir si c’est joli.

–  Je sais pas si les autres vont vouloir bouger.

–  Et toi, ça te dit ?

–  … Bah pourquoi pas en fait.

–  On y va ?

C’est compliqué les bandes, faut toujours se justifier de tout ce qu’on fait. Il y a ce côté un peu étouffant du « toujours ensemble » et du « vous faites bande à part ». Dès qu’on se leva, ça ne manqua pas, les « vous allez où ? » etc. On répondit simplement « on revient ». Best phrase ever.

En vieux sage, désormais, je le dis pour tous les gamins qui ont des projets en sous-groupe. Ca dit tout et rien en même temps, et c’est compliqué de relancer là-dessus. C’est parfait. On commença donc à gravir la légère côte entre les roches et les arbres, s’enfonçant dans la forêt, avec dans notre dos les regards de la bande qu’on sentait sur nos talons. Nous nous retournâmes tour à tour, comme pour mesurer la distance que nous mettions avec les copains restés au campement. Une ou deux fois, elle manqua de se tordre la cheville sur une pierre et je m’empressais de lui poser la main sur les reins comme pour l’aider à gravir une colline qui n’avait rien de difficile. Puis on décida de s’arrêter sur un tapis propice, un patchwork de feuilles de chêne et de petit bois de pin encore tendre. Comme parlant de nos projets futurs, on évoquait l’année prochaine, notre terminale et la faculté qui suivrait si on avait notre bac. Elle, était assise les jambes repliées contre elle, et le menton posé sur les genoux. Sa main grattait la terre, attrapait de petit cailloux ou des feuilles séchées qu’elle effritait entre les doigts, pour la sensualité de la poudre qu’elles produisaient.

On resta assis un moment comme cela, sans rien dire. J’étais assis à ses côtés. Un peu en arrière d’elle, je la regardais. Elle attendait, je le sais maintenant, comme font toutes les filles, que quelque chose se passe. Nous étions dans un silence plein de nous deux. C’était un de ces moments comme chacun a connu où le temps et l’espace apparaissent comme siamois ; où la nature, arbres et légers brins d’air entre les feuilles semblent un orchestre harmonieux d’accompagner les deux solistes encore concentrés.

Elle tirait parfois sur sa jupe, mais c’était vain : celle-ci retombait inlassablement, en glissant sur ses jambes douces qu’elle découvrait en même temps. Je lui caressai la cheville, du bout des doigts, commençant par l’arrière, par de petits allers et retours, puis gravis son mollet avec le dos de mon index. Quand elle se retourna vers moi, je n’avais plus d’autre choix que de l’embrasser, ce que je fis. Je retrouvais enfin son goût délicat. Glissant ma main sur sa joue et dans ses cheveux, j’espérais un baiser sans fin. Puis, doucement, nous fîmes un mouvement pour nous coucher, elle sur moi. Assise à califourchon sur mon bassin, elle était toute penchée vers moi, et je la serais dans mes bras sans m’arrêter de l’embrasser. Ses cheveux me cachaient complètement le visage.

J’étais à l’abri, je me sentais protégé et libre. Elle s’offrait et m’envahissait en même temps. Mes mains vinrent rapidement sous sa jupe après être descendues de ses épaules, le long du dos. Je passais sous le tissu et retrouvais ses fesses. Glissant sous sa culotte, je cherchais son sexe. Elle était quasiment imberbe, seul son pubis était paré, mais je ne pouvais l’atteindre dans cette position. Ca y est, je sentais les petits bourrelets de son sexe et tentais de m’y frayer un chemin. Je n’étais pas bien adroit à l’époque, tout cela était encore bien mystérieux. Je me souviens de cette sensation incroyable quand les pulpes de mon majeur et de mon annulaire ont senti la douce humidité du seuil de son sexe. Je m’y aventurais plus encore. Cela n’a l’air de rien, mais vivant les relations avec force et passion, cette simple caresse me retournait les sens.

Je sais aujourd’hui avec l’expérience, qu’il en va toujours de même. Pour moi, chaque fois, encore aujourd’hui, que je glisse la main dans la culotte d’une nouvelle fille, je recommence à zéro. Je retrouve ces sensations premières, ce frisson, et chaque fille qui passe dans ma vie est pour moi un nouveau monde. Je la caressais longtemps. J’aurai pu ne jamais m’arrêter. J’écoutais son souffle et ses timides gémissements. Je découvrais la jouissance d’être coupable des soupirs d’une fille. Sans encore l’intellectualiser, j’apprenais déjà un peu de moi-même, que j’adorais faire jouir les filles et surtout le chemin que patiemment je prenais pour y arriver.

Avec mon autre main, je dégrafais tant bien que mal mon jean, et relevant mon bassin, je parvins enfin à le faire glisser suffisamment pour libérer mon sexe. Je ne bandais pas. J’étais trop ému. Ça aussi, ça m’arrive souvent encore quand une fille me plait tellement qu’elle me frappe au cœur. C’est con. Longtemps émotif, mes premières années ont été peuplées de pannes ou d’éjaculations rapides. Cela m’a appris, mieux encore je pense, à prendre soin des filles, puis à gagner confiance pour être le meilleur amant que je pouvais, en écoutant, en jouant des corps.

Mes deux mains lui caressaient le sexe et les fesses, et appuyaient aussi sur ma queue, pour la réveiller. Cela finit par venir. Alors, je vins en elle. On fit l’amour lentement, comme à tâtons. Comme prenant des précautions pour ne pas déranger le calme des bois. Je n’étais pas adolescent à baiser. Toucher, pénétrer une fille avait quelque chose de sacré. Nos mouvements continuaient d’être lents. Elle n’était pas beaucoup plus dégourdie que moi, mais elle était sensuelle. Elle apprenait comme moi, mais avec un instinct du corps que je n’ai pas toujours retrouvé, même chez des grandes. Cet été a été le premier et le dernier du genre pour moi. Ce fut un été ou la sensualité et l’amitié se sont mélangées jusqu’au retour de nos routines. Mon cœur a battu pour cette fille.

Peu de temps, car à cet âge-là, très vite les pages sont tournées, tellement il est besoin de vivre des expériences. Mais ces instants ont été sincères pour chacun, cela ne fait aucun doute. J’ai perdu de vue la totalité de cette bande d’inséparables. Les bandes d’amis, c’est fait pour exploser, mais ça on ne le sait que plus tard. Comme des molécules se recomposent, les cercles se brisent et d’autres se reconstituent. C’est ainsi qu’on dit « comme le monde est petit ! » Et c’est vrai que le monde est petit. Mais il est immense de nos peines et de nos joies. Je mentirais si je disais que cela ne m’a pas causé de peine que mon histoire avec cette jolie camarade ne dépasse pas le seuil de l’automne. Mais tout cela semble bien loin désormais. D’autres bonheurs immenses et tout autant de drames, d’accidents, me sont arrivés depuis ; et ces lointains souvenirs semblent avoir été vécus par un autre moi.

Mais il ne faut pas, jamais, minimiser les petites expériences de l’enfance. D’abord parce qu’elles nous aiguillent malgré nous, et surtout car elles sont ce qu’il y a de plus intense pour les enfants qui les vivent. L’adulte oublie souvent le principal : les émotions, les sensations, l’émerveillement, la stupéfaction. Les souvenirs lui restent, mais trop souvent comme des photographies aux couleurs passées et sans le relief de ce qu’elles ont vraiment représenté.

Fin

Marcus Cameron MitchellArticle écrit par Marcus Cameron Mitchell

Jeune quadragénaire, papa, revendiquant sa deuxième vie, fou amoureux et libertin à ses heures ; Marcus Cameron Mitchell est un artiste s’adonnant à toutes les sensualités par la musique, la photo, les vins et le corps.

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