A la Recherche de l’Eden – Partie 2

 

Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi assommée. Une odeur aussi agréable qu’indéfinissable envahit mes narines. J’ouvre doucement les yeux. Autour de moi, des fleurs aux couleurs exceptionnelles couvrent les murs et le sol. Elles oscillent légèrement comme si elles respiraient. Entre les fleurs, une mousse verte aux reflets de velours. Partout autour de moi, des murs tapis de fleurs, et à environ cinq mètres au-dessus de ma tête, j’aperçois le trou qui m’a jetée ici. Je cherche la source de la lumière qui éclaire si bien ma caverne, espérant découvrir une sortie. C’est alors que je remarque des petits points brillants flottant dans l’air, comme des millions de grains de poussière lumineux. Je tends la main, quelques-uns tombent dans ma paume. Impossible de savoir s’il s’agit d’animaux, de végétaux ou d’autre chose. Je n’ai jamais rien vu de tel.

Je me sens étrangement bien, si bien que lorsque je tente un mouvement, ma jambe me rappelle sa blessure que j’avais presque oubliée. Je pousse un hurlement, la poussière lumineuse s’agite devant moi, secouée par le souffle de mon cri. Je suis parcourue de frissons. Je m’allonge et ferme les yeux pour retrouver mon calme. J’ai dû rester évanouie longtemps. J’ai de la fièvre. Cela ne va pas m’aider à garder la tête froide. Il faut que je parvienne à explorer la grotte pour trouver une sortie. Je respire calmement et me redresse en tenant ma jambe pour la maintenir immobile. Je sue à grosses gouttes et essaie de me focaliser sur autre chose que la douleur.

Je réussis à m’asseoir. Je ne vois que des murs de fleurs qu’aucun trou ne semble percer. Je me tourne douloureusement pour regarder derrière moi, dernier espoir de sortie. Pendant quelques secondes, je crois que c’est la fièvre qui trouble ma vision. Je me concentre et plisse les yeux pour être certaine. A environ deux mètres, incrusté dans un mur de boue compacte, un squelette intact d’un grand mammifère se tient bien droit et de profil, la tête baissée comme s’il était en train de renifler le sol ou de brouter quelque plante. Mon expérience d’archéologue me permet d’expliquer une partie de ce que je vois, mais il y a un détail plus que troublant. Il s’agit d’un squelette d’équidé particulièrement grand, ses os sont larges et laissent deviner un animal bien plus imposant que les plus solides étalons de notre époque. Mais ce que je n’explique pas, que je n’ai jamais vu auparavant, c’est la corne unique et droite qui orne le sommet de son crâne.

Je rampe douloureusement jusqu’au mur et passe mes doigts sur les os étrangement blancs, comme si on les avait nettoyés soigneusement. La corne est à quelques centimètres au-dessus de ma tête. Je tends la main pour la toucher. Elle est si douce, on dirait qu’elle est tendre, liquide, onctueuse tant sa douceur est exceptionnelle. Je continue de l’effleurer à peine quand soudain, elle se détache de la boue dans laquelle elle était emprisonnée et tombe entre mes doigts. Je m’adosse au mur et prends le temps de la contempler de près. Elle ne ressemble à aucune autre corne du règne animal. Elle a quelque chose de spécial, de différent. Je suis prise de vertiges, la fièvre continue de monter. Si on ne vient pas me chercher rapidement…

Je me suis à nouveau évanouie. Je ne sais pas combien de temps. Je frotte mes yeux embués de larmes et de sueur. Je tiens toujours fermement la corne dans ma main.

Je m’allonge sur le sol en mousse et contemple les lumières virevoltantes en faisant le point sur ma situation. Elle n’est pas brillante. Je n’ai dit à personne où j’allais, je suis tombée à au moins vingt mètres sous terre et ma fracture ouverte s’infecte à toute vitesse dans ce climat humide. Pourquoi je n’ai pas pu attendre ? Mike me manque. Ses caresses, son corps musclé et souple, son sexe épais. Je me concentre sur nos étreintes de la veille pour garder un peu d’espoir, pour me concentrer sur des images positives. Je revois mon bel américain déboutonnant ma chemise, plongeant sa tête entre mes seins avant de les saisir et de faire tourbillonner sa langue sur mes tétons. Je me revois tombant à ses genoux, ivre de désir, arrachant d’un coup sec son pantalon. Son sexe bondissant hors de son caleçon, gonflé de désir. Je l’avale entièrement jusqu’à étouffement. Je le serre dans ma main droite et fais aller et venir son pénis dans ma bouche. J’agite ma langue sur son gland et je sens ses jambes se raidir de plaisir. Il m’entraîne avec lui sur notre lit, s’allonge sur le dos. Il retire ma culotte et laisse ma jupe de toile épaisse. Il m’assoit sur lui, son sexe me pénétrant doucement. J’ai le souffle coupé.

Son sexe me transperce, Mike me soulève et me baisse comme si je ne pesais pas plus lourd qu’une feuille. Je me souviens de chacun de ses mouvements de bassin, de son sexe qui m’envahit, me remplit, me comble. Je tremble de désir, de plaisir… Dans ma grotte fleurie illuminée par la poussière dorée, tout se met à tourner autour de moi. Je crois d’abord que c’est la fièvre, mais non… Je jouis. Ma douleur s’envole, ma peur avec elle, je suis submergée par des vagues d’orgasmes irréels, je deviens folle. Je relève doucement la tête pour comprendre ce qui se passe. J’ai retiré mon pantalon. Je ne sais pas comment j’ai pu le faire avec mon os sortant de ma jambe, mais je suis nue. Dans ma main droite, je tiens toujours ma corne et je la fais aller et venir entre mes cuisses inondées de plaisir.

Je ris de ma folie, de cette situation désolante, impossible, de mon agonie absurde… de ce trésor archéologique unique qui vit sa première rencontre avec l’humanité dans la cyprine de ma jouissance désespérée. Je jouis toujours plus. Je ne contrôle plus mon bras qui fait pénétrer la corne au plus profond. Je ne tiens plus. Perdue dans une brume tourbillonnante, je crie mon plaisir et mon désespoir, de plus en plus fort. La corne grandit en moi, elle bouge toute seule, mes mains ne s’agitent plus, elle explore mon intimité, effleure là où il le faut, éveille tous mes sens, je hurle à m’en faire éclater la gorge, tout tremble autour de moi, les murs s’effritent, les fleurs tombent, la terre bouge, le plafond au-dessus de ma tête se détache, des lambeaux de mousses s’amoncellent sur mon visage, je ne sens plus mes jambes paralysées par le plaisir. Je hurle encore, comme un dernier souffle, la dernière jouissance, l’unique. Le silence.

Est-ce que je suis morte ? Est-ce que tout est fini ? J’entends un faible murmure. C’est ma respiration. Elle est profonde et régulière. Il y a un petit vrombissement aussi, indéfinissable, lointain. J’essaie d’ouvrir les yeux. Une lumière blanche aveuglante filtre entre mes paupières. Je m’habitue peu à peu jusqu’à pouvoir ouvrir complètement mes yeux. Mike est à là, à côté de moi. J’ai envie de pleurer de joie. Il dort. Je l’appelle.

« Mike ? »

Ma voix est faible et fluette, mais il lève aussitôt la tête.

« Tu nous a fait peur ! Comment tu te sens ?

– Je crois que ça va… »

J’essaie de me redresser, Mike m’en empêche.

« Tu as une jambe cassée. Il faut te reposer. »

Je me souviens de tout.

« La licorne, tu l’as vue ?

– La licorne ?

– J’ai pris sa corne dans ma main et… »

Je rougis, incapable de terminer ma phrase.

« Tu as subi un choc. Tu as été emportée par un glissement de terrain. On t’a retrouvée trente mètres plus bas, à moitié ensevelie, c’est un miracle.

– J’ai vu des fleurs inconnues et de la poussière lumineuse et il y avait un squelette de licorne… »

Mike me considère avec inquiétude. Il prend ensuite un air concerné.

« Nous allons devoir reporter les recherches, pour notre sécurité. Le temps de comprendre les causes de cet éboulement.

– Les causes ?

– C’est la première fois que ça arrive dans la région. Nos guides prétendent que c’est une déesse qui…

– Une déesse ?

– Oui, certains des guides prétendent avoir entendu un cri aigu surnaturel venant des profondeurs de la terre. Un cri puissant au point d’avoir provoqué l’éboulement d’un pan de montagne et… »

Mike continue son explication, mais je ne l’écoute pas. Je revois le squelette de ma licorne, la tête penchée vers le bas, comme pour renifler le sol, ou brouter, ou m’offrir sa corne.

Fin