L’inversion des valeurs – Partie 1

Nous étions dimanche, il faisait jour et dehors le brunch était maintenant fermé. Le ciel dégagé annonçait une belle journée, mais nous ne voulions plus sortir. La veille déjà, à vouloir danser plus que de raison, la fatigue nous avait pris de cours et notre coït avait été court. Nous ne prévoyions rien pour le reste de la journée. C’était notre dernier week-end avant qu’il ne reprenne définitivement l’avion, et nous voulions en profiter pour faire quelques vilenies, quelques saletés peut-être. Nous voulions réaliser quelques idées saugrenues qui nous feraient rougir plus tard. Les draps étaient à peine propres, les volets entrouverts, et avec un peu d’effort nous pourrions mettre de la musique. L’ambiance était au plaisir, non pas pulsionnel, mais réfléchi, tactique, curieux, au plaisir vicieux.

La veille, nous nous étions retrouvés un peu avant minuit pour prendre un verre. Il était arrivé avec un air de jeune puceau, alors qu’il sentait déjà la femme : il venait de jouer avec une autre.

À cette pensée, mon orgueil tonna « jalousie », mais je me devais de respecter ma promesse de ne rien nous promettre. Moi-même, je m’attachais déjà à un autre homme, plus attirant. Ne souhaitant pas finir ma nuit seule comme une capricieuse la veille de son départ, je le contraignais à passer son dernier dimanche parisien avec Moi, à regretter la France à travers Moi, à brûler ses derniers euros pour Moi.

Pour cela, j’avais quelques heures pour l’attiser de la plus diablesse des façons. Je me croyais dans une de ces histoires sexy où les héros ne connaissent pas la fatigue. Or, après avoir tant dansé contre lui et contre d’autres puis contre lui, arrivés chez lui, tout se déroula en quelques minutes : baiser, déshabillage, baiser, habillage latex, pénétration, et attente de la fin. Il tira son coup avec un peu de peine et l’heure alors tardive eut raison de ma hargne. Le sommeil nous prit dès que ce fut fait ; il allait ronfler, je sentirais de la bouche.

L’heure du repas dominical était dépassée et nous avions déjà déjeuné, séparément. Je crois qu’il s’était levé tôt pour manger un reste de pattes et un yaourt, puis il s’était recouché et dormait comme seuls les hommes savent le faire : sans conviction. Moi, je m’étais levée un peu plus tard, pour prendre deux fruits et un café. Puis j’avais feuilleté un magazine, allumé une cigarette que j’écrasais immédiatement ; l’amertume du tabac américain m’écœurait un peu plus à chaque fois.

Je me servis un Bas Armagnac dont mon hôte était plutôt fier ; j’y trempais les lèvres, juste assez pour être envahie par les vapeurs fruitées. Mécaniquement je me dirigeai vers la salle d’eau et pris une douche. Les lendemains de fête, on a toujours le sentiment que le savon et l’eau détachent de notre peau une croûte visqueuse de sueur bactérienne ; on se sent ensuite purifiée. J’urinais en me rinçant le visage, en buvant l’eau tiède, en me regardant dans le miroir à travers la buée sur la vitre. Puis je jouais avec le jet : j’avais ma jouissance à moi, j’avais mon plaisir propre, ma féminité posée, mon féminisme qui se racontait des histoires d’Amazones modernes.

Ensuite, j’attrapai ma brosse à dents pour ne plus sentir la fermentation gastrique de la veille. Puis je m’essuyais avec une serviette avant de me l’enrouler autour de la tête. Dans cette attitude symbolique de l’hygiénisme moderne, nue, face à un miroir, dans une pièce carrelée où un peu de lumière naturelle entrait par hasard et où la lumière artificielle était dirigée autant que possible vers moi, les cheveux encore humides et plaqués à l’arrière, je me remaquillais.

Prenant le temps de regarder mon visage se sublimer avant de révéler une âme sophistiquée, je me fis une mine mystérieuse. Enfin, un dernier geste et j’étais parfumée de quelque chose de froid et d’enivrant, un parfum qui provoque ou pétrifie.

Revenue dans la chambre, je constatai qu’il faisait encore semblant de dormir. J’entrouvris le rideau et repris mon magazine, ainsi que mon sextoy, Tiani, vraisemblablement oublié dans mon sac. En m’installant à nouveau sous les draps, j’introduisis mécaniquement mon compagnon vibrant. Assise contre le mur, soutenue par les deux oreillers, je me concentrai sur ma lecture.

La vibration était lente et molle. J’avais presque fini l’article lorsque les spasmes me prirent. Je me retenais afin de terminer un article de recommandations tendance. Mon ami ouvrit les yeux et se lécha littéralement les babines à me voir mi-lectrice mi-nymphomane, retenant la pluie dans un presque silence. Il commençait à se tripoter avec espièglerie, mais d’un regard et d’un claquement de dents, je lui interdis d’aller plus loin. Les hommes ont toujours honte de se branler. Arriver à la limite de ce qui aurait pu être mon deuxième petit Nirvana du jour, je me souvins que je m’étais déjà fait plaisir sous la douche et qu’il y avait là une bonne viande vivante et volontaire. Le magazine tomba du lit lorsque j’enlevai Tiani pour que nous nous amusions.

Je m’attendais à ce qu’il me saute dessus. Il n’en fit rien. Sans doute parce que ses fougueuses semences de la veille avaient eu raison de ses pulsions. J’avais affaire à un homme patient, méthodique et tourner quasi exclusivement vers mes plaisirs. Il semblait chercher à nier ses envies pour les rendre plus fortes et plus violentes ; il m’honorait maintenant en récitant son bréviaire des préliminaires les plus courtois. Ma tension redescendit en le regardant si soigneux. Nous étions dimanche après-midi, j’avais pris mon café et je voulais essayer autre chose : je voulais du nouveau, je voulais du politique, du volontariste, de l’engagé.

Souriante, je me redressai complètement pour qu’il lâche prise. Debout, je lui donnai des ordres : celui de sortir du lit, de sortir de la chambre et d’aller me chercher à manger. Il revint avec des fruits et des phrases langoureuses autant que brutales à propos de mes fesses. Je me retournai, il les couvrit de petits baisers que je laissai faire. Je remis Tiani pour relancer mes muscles. Je pris une pomme et croquai dedans : symbole d’effronterie. Je pris une orange, que j’ouvrais à coups d’ongles avant de l’écraser sur ma poitrine : preuve de gourmandise. Je pris une banane, une petite banane, que je plaçais dans mon vagin : incitation à lécher mon anus. À travers le reflet de l’armoire, je me regardai debout, cambrée, le jus de fruit coulant sur mes seins, la banane presque avalée, et cet homme chien dévorant mes odeurs.

Je ne terminerai jamais cette pomme. Plutôt que de faire semblant de gémir. Je l’invitai à se mettre à quatre pattes et à laisser mon annulaire gauche scruter son anus. Je regardais ma main droite caressant sa peau lisse, aussi lisse que celle d’une fille, tandis que la lumière rebondissait sur sa musculature d’homme et que mon doigt s’introduisait calmement. Une fois la petite chatière passée, l’espace y était immense, on s’y pliait et se retournait facilement, tant qu’on n’irritait pas trop l’entrée. On lubrifiait un peu et l’on était progressivement accepté, jusqu’à ce que l’on puisse aller et venir sans entrave. De l’autre main, je récupérai ma banane. Celle-ci avait bien fini par se cacher dans les profondeurs de mes entrailles. Je travaillais mon bassin, j’ondulais mon ventre de haut en bas, une fois, puis deux, puis encore pour faire descendre le fruit perdu, Lorsqu’il commença à poindre, je poussai avec mon vagin, et la banane sortit. Je la mangeai ; parce que c’était bon et parce qu’il devait craindre ma dévoration d’un symbole phallique.

Après avoir bien tourné un doigt puis deux en son obscur intérieur, je descendis ma main pour le manutentionner comme j’aurais trait un petit taureau. Je voulais qu’il soit content, détendu et attentif. Une main œuvrait tandis que l’autre frottait chaque extrémité du vibreur Hugo contre ma vulve. Je déclenchais la vibration, laissant progressivement l’électrisation de mon périnée lancer par traits des « haaaa » et des « hummmm ». Je me branlai le vagin en lui branlant la verge. Au bout de plusieurs minutes, je me redressai, approchant ce nouveau pénis vibrant. J’écartai ses fesses, crachai une traînée de salive dedans, posai le Hugo et doucement, tranquillement, étape après étape, je le fis pénétrer à l’intérieur de son anus. Il dut se crisper. Au début. Il se détendit, ça entra. C’était dedans.

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BénédicteArticle écrit par Bénédicte

Parisienne de 25 ans, de tendance bi, Bénédicte s’habille d’un minimum de tabou, pour vivre ses expériences amoureuses.

Journaliste lifestyle et sexo sur Ô Magazine, elle joue de cet espace privé pour vous raconter sa sexualité curieuse, intense et parfois dangereuse.

Philosophe excentrique, Bénédicte n’est pas qu’excitante, elle est un piège.