Ma petite mort – Fiction érotique

« Ne bouge pas » me dit le photographe. Comment est-ce que je pourrais ne serait-ce que contempler l’idée de bouger alors que je suis allongée face contre le matelas en forme de X et attachée au lit ? Je suis totalement nue à l’exception d’un masque en latex et le fait que le photographe soit entièrement habillé me fait me sentir encore plus nue et exposée.

A l’exception de quelques commentaires sur les poses à adopter, il n’est pas très bavard. Je ne le vois pas comme mon visage est tourné vers le matelas mais je peux sentir son regard me détailler avec attention, avec ses yeux et avec son appareil photo.

Chaque clic est comme une caresse sur la peau. Comme une session de reiki. Il n’y a pas de contact physique mais je sens la puissance d’une énergie qui me stimule et me relaxe tout à la fois. Ma semaine démarre par cette séance en ce lundi matin. On a connu pire.

Malgré l’étrangeté et l’excitation que la situation provoque chez moi, le photographe est un professionnel. En fait, plus une session de photo érotique est formelle et professionnelle et plus elle m’excite.

Le photographe est un homme sérieux qui s’approche de la fin de la quarantaine. C’est également l’un des hommes les plus fétichistes que je connaisse. Les seins et les fesses, c’est ça son truc. Il aime les détails subtils qui ne se dévoilent qu’à un observateur affuté.

Son attention extrême portée au détail est l’une des choses que j’adore chez lui. Et le fait qu’il ne perde jamais le contrôle. J’adore ça. Refuser d’exprimer son désir charnel mais être capable d’en parler librement, d’une façon contrôlée, est une chose qui ne cesse jamais de m’impressionner.

Après plus de 200 photos de bondage, je commence à être fatiguée de poser et à avoir très faim. Alors qu’il me détache, je me remémore le contenu de mon frigo et j’essaie d’imaginer ce que je pourrai préparer. Par pure politesse, je propose un café au photographe, qui l’accepte.

Je me lève et enfile une robe de chambre avant de me diriger vers la cuisine pendant qu’il range son appareil et ses lampes.

Alors que nous sommes assis sur le canapé avec nos cafés, nous commençons à nous féliciter de la bonne session que nous avons réalisée aujourd’hui et échangeons nos idées sur les moyens d’améliorer les prochaines.

« J’adore photographier les gens quand ils se réveillent afin d’observer leurs routines du matin » me dit-il.

« Ah… moi je me masturbe toujours au réveil… En fait, j’ai toujours eu envie que quelqu’un prenne mon visage en photo au moment de l’orgasme, au moment de ma « petite mort » », lui dis-je regardant par la fenêtre avant de prendre une gorgée de mon café.

« Est-ce que tu voudrais qu’on le fasse maintenant ? » me demande-t-il. « Enfin, si tu as le temps bien sûr » ajouta-t-il.

Je pensais que la session de photo érotique était terminée mais je réalise que la vraie session est sur le point de commencer. Tout à coup, j’en oublie ma faim et je sens comme un picotement entre les jambes que je ne peux pas ignorer. La nourriture attendra. J’ai un autre appétit à combler en priorité. Qui plus est, je sais pertinemment que ce genre d’opportunités ne se présente pas tous les jours et j’entends bien en tirer le maximum.

Je lui dis que c’est d’accord. Je me lève ensuite du canapé et cours dans ma chambre attraper un sextoy. J’ai envie d’un rabbit, j’ai besoin de sentir quelque chose dans ma chatte alors que mon clitoris cogne comme un cœur déchaîné entre mes jambes et réclame toute mon attention. Je choisis mon Ina Wave et retourne dans le salon pour y retrouver le photographe, son appareil à la main, prêt à mitrailler.

« On est d’accord ? Seulement le visage ? » lui dis-je avant d’enlever ma robe de chambre et de la jeter sur le canapé.

« C’est bien compris » me répond-il.

Je m’allonge sur le dos sur le sol. Bien que ce ne soit pas l’endroit le plus confortable pour cela, je pense à la photo plus qu’à mon confort. Je dispose mes cheveux autour de ma tête de manière à créer une sorte de halo de cheveux roux et bouclés sur le parquet. Le photographe se poste au-dessus de moi, un pied de chaque côté de moi de façon à ce qu’il ne puisse pas voir la partie plus « porno » qui se joue plus bas dans mon entrejambe. Il couvre son visage avec son appareil, prêt à lancer son premier clic.

Je ferme les yeux et écarte les jambes. Je caresse ma vulve avec les doigts. Je suis déjà tellement trempée que le sextoy rentre sans difficulté. Une fois inséré, je l’allume. Le photographe commence à me photographier. En dépit de mon excitation évidente, je me sens un peu nerveuse. Je sais qu’arriver à l’orgasme va me prendre un peu de temps car mon esprit est toujours tourné vers ces circonstances aussi étranges qu’inattendues. Bien que les photos ne concernent que mon visage, j’ai le sentiment de révéler quelque chose de bien plus intime que lors d’une photo de nu.

En me concentrant sur les bruits de l’appareil photo, mon esprit commence à s’évader. Je pense aux “petites morts” de mes anciens amants : la perte de contrôle, l’expression qui semble être un mix entre souffrance et extase et qui m’a toujours donné des papillons dans le ventre à chaque fois que je la contemplais. Je pensais également à toutes les fois où ma propre petite mort m’avait embarrassée et où j’avais eu envie de cacher mon visage d’orgasme dans un oreiller ou avec mes cheveux. Et je suis là, aujourd’hui, prête à la dévoiler à quelqu’un qui ne me fait même pas l’amour. Et je ne peux m’empêcher de penser à l’ironie de la situation.

Plusieurs fois, j’ai cru atteindre l’orgasme. Mais trop de choses me distraient et j’ai du mal à me concentrer. J’espère que le photographe ne s’ennuie pas. Il doit se dire : « Mais combien de temps ça va encore durer ? » J’imagine que tous les clichés qu’il a déjà pris se ressembleront tous car je n’ai pas l’impression d’avoir progressé dans mon excitation et que nous sommes dans cette position depuis un moment.

Mais ce n’est vraiment pas le moment de penser à mes poses. Je dois me laisser aller. Je dois ressentir le moment et oublier la présence du photographe. Être la plus naturelle possible afin que je puisse enfin voir ma tête dans une de ses expressions les plus intimes, telle que je ne l’ai encore jamais vue de mes propres yeux.

J’écarte encore un peu plus les jambes afin d’exposer mon clitoris, j’augmente l’intensité du sextoy et le tiens plus fermement. J’ai besoin de plus de stimulation : j’active donc l’effet vague qui impulse un mouvement de « viens ici » à la partie insérée dans mon vagin. Je soupire alors que je sens le sextoy bouger à l’intérieur de moi. Ma respiration s’accélère, accompagnée par les clics, clics, clics de l’appareil photo.

Mais ce qui me fait réellement décoller c’est de constater que les clics clics de l’appareil photo se sont arrêtés. Sans avoir besoin d’ouvrir les yeux, je réalise que le photographe est en train de me regarder directement, sans l’intermédiaire de son appareil photo. En un instant, la masturbation cesse d’être mécanique et je sens son regard pénétrant comme une injonction au désir qui stimule mon côté exhibitionniste.

Je prends une grande inspiration et la tiens. Je mords ma lèvre, fronce les sourcils et retiens ma respiration jusqu’à ce que mes jambes commencent à trembler. J’ai atteint le point de non-retour. Enfin. Mon corps se tend encore plus avant de rendre les armes. Totalement. C’est maintenant ! Oh mon Dieu. Je vais jouir maintenant !

Au premier spasme, je tends ma tête en arrière et pleure de plaisir alors que mes fesses rebondissent en rythme sur le sol. J’ai besoin de refermer les jambes sur le sextoy que j’essaie d’enfoncer au plus profond de moi. Toute la tension accumulée s’est enfin dissipée. J’entends à nouveau les cliquetis de son appareil photo, de plus en plus rapides, contemplant et capturant mon extase. Ma petite mort.

Je reviens à la réalité, ma respiration toujours saccadée. Lorsque j’ouvre les yeux, je le vois au-dessus de moi, comme au début de la séance.

« C’était dingue ! » lui dis-je avant d’exploser de rire de soulagement et de nervosité alors qu’il prenait quelques clichés supplémentaires de mon visage post-orgasme.

« Je pense que nous avons là ce que nous voulions » dit le photographe, comme si s’être masturbée devant lui était la chose la plus naturelle du monde, ce qui ne faisait qu’augmenter l’étrange dimension érotique de cette situation. Je me relève et remets ma robe de chambre. Le photographe range son appareil une fois de plus puis enfile sa veste, prêt à s’en aller.

Plus tard, j’ai reçu un email avec toutes les photos. Bien qu’elles ne soient pas explicites, tout y est sous-entendu. J’ai regardé toute la séance : ma nervosité au départ et mon changement progressif d’expression. Petit à petit, mon visage se tend jusqu’à l’abandon final. Je remarque tous les changements infimes : ma peau devient rouge, mon maquillage coule, les veines de mon cou et de mon front dont j’ignorais jusqu’à l’existence apparaissent.

Certaines images évoquent la sensualité et la sexualité pure quand d’autres évoquent la douleur, comme un accouchement. En les regardant, je me remémore ce que j’ai ressenti en me masturbant ainsi devant le photographe.

J’ai du mal à croire que j’ai vraiment fait ça mais c’est précisément le genre de choses un peu folles qui me font me sentir vivante. Je trouve de nouveaux petits détails à chaque fois que je regarde les photos de la séance. Elles ne sont pas les plus beaux portraits de moi mais ces photos de ma petite mort sont clairement un souvenir d’un moment qui m’a fait me sentir plus vivante que jamais.

 

* Cette nouvelle a été écrite en anglais par Venus O’Hara. Pour la découvrir dans sa version originale, c’est par ici.