« Les Petits Cheveux » : une Histoire Pileuse au Poil

Bien plus qu’une partie plus ou moins appréciée du corps humain, le poil féminin est un élément primordial dans l’Histoire de notre espèce. Tantôt honnie ou convoitée, symbole de la féminité parfois et même du féminisme par les temps qui courent, la touffe féminine n’est en rien anodine. On la juge, on la jauge, elle divise, elle attise les convoitises et elle représente ainsi une forme de témoignage des cultures et habitus de différentes contrées et différentes époques…

Il y a autour du poil des femmes bien des choses à dire et ce qu’ont entrepris les auteurs Jean Feixas et Emmanuel Pierrat en proposant ce très beau livre : « Les petits cheveux – une histoire non convenue de la pilosité féminine ». On vous dit tout sur ce livre aussi instruc-tif que poilant.

Présentation

Des anecdotes, des citations, des poèmes, des extraits de livre, des études scientifiques, des sondage, des chiffres, des analyses, des explications, des peintures, des photos… Ce magnifique ouvrage se penche sur le poil féminin avec sérieux et application en l’étudiant sous toutes ses formes de l’antiquité jusqu’à nos jours. Depuis les différentes théories sur l’utilité du poil pubien en passant par les scandales qu’il a provoqués ou les splendides poèmes qu’il a suscités, dans ce florilège d’informations en tout genre, on s’instruit en s’amusant des aléas pileux à travers l’Histoire et des anecdotes croustillantes. Un beau livre à entamer par le milieu et à feuilleter au gré des envies.

Quelques extraits pour vous mettre de bon poil

Extrait du « Dictionnaire populaire de médecine usuelle » paru en 1891

On peut lire dans les vieux traités l’observation d’une femme de Munster, d’ailleurs bien portante, dont les poils du mont de Vénus descendaient jusqu’aux genoux, et celle d’une Lituanienne chez laquelle ils atteignaient 1,80 mètre, si bien que pour les empêcher de traîner par terre, elle était obligée de les enrouler autour de sa cuisse. Les poils du mont de Vénus sont souvent d’une autre couleur que les cheveux, on a même observé des poils blancs chez une femme dont la chevelure était brune. D’après Bartholin, Bichat, Roux et bon nombre d’autres médecins, ces poils friseraient plus chez la femme que chez la vierge. Certains observateurs ont prétendu aussi que plus le mont de Vénus est touffu, plus la femme est vigoureuse et portée aux plaisirs sexuels. Bon nombre de faits contredisent cette opinion.

Les explications de l’utilité des poils pubiens

La plus morale est donnée par Nicolas Venette (1633-1698), spécialiste de la médecine et des sciences naturelles : «La nature est admirable dans tous ses efforts et ne produit jamais rien sans dessein. Le poil commence à poindre à douze ou quinze ans lorsque (…) l’âme peut distinguer le vice de la vertu. C’est alors que la nature met un voile sur les parties naturelles de l’un et l’autre sexe, pour leur marquer que l’honnêteté et la pudeur y doivent établir leur principal domicile.»

Sur la censure 

Mais (le magazine) Paris-Hollywood avait reçu de sévères consignes de la part de la Commission de censure qui avait la presse écrite à l’œil : pas question de voir un pubis en son état naturel. En trois mots: pas de poils! Alors, consciencieusement, à longueur de journée, une poignée de dessinateurs ou maquettistes en mal d’argent arrondissaient leurs fins de mois en faisant disparaître les poils de ces dames, soit à la gouache, soit parfois à l’aide d’un grattoir, lorsque la qualité de la photo le permettait. Ces hommes de labeur si particulier étaient surnommés des “gratte-minettes”.

On a aimé

Le beau livre

Si vous êtes du genre à collectionner les livres d’art massifs aux belles photos et explications distrayantes, vous pouvez incorporer celui-là dans votre bibliothèque les yeux fermés. C’est un bel ouvrage qui remplit ses fonctions esthétiques. Et le choix des illustrations vient parfaire l’objet : beaucoup d’images anciennes, rétro et qu’on n’a pas l’habitude de voir. Il y a évidemment « L’origine du monde » de Courbet sur la couverture, mais pour le reste on fait de très belle découvertes inédite !

Les anecdotes multiples et drôles

On ne s’attendait pas à autant d’anecdotes sur le sujet du poil. A toutes les époques, dans tous les domaines, les auteurs ont fait un beau travail de recherche en nous livrant un flot d’histoires étonnantes en lien avec le sujet pileux. On a même parfois frôlé le fou rire ! (Mention spéciale à la colère de Sainte-Beuve, on vous laisse la surprise)

La richesse et la variété des informations

On ne fait pas que s’amuser, en parcourant ce livre. On en apprend beaucoup ! Aussi bien sur l’histoire contemporaine du poil et notamment sur les différents combats menés depuis plusieurs années pour que les diktats de la beauté cessent de prôner le pubis imberbe, mais également sur les habitudes pileuses dans l’antiquité, dans les pays d’Orient, ou sur la censure, l’inquisition ou la religion… C’est très bien documenté.

On a moins aimé…

L’organisation des chapitres

Les quelques 220 pages sont classées en sept chapitres aux titres mystérieux, si bien qu’il est difficile de savoir vers quoi on dirige sa lecture. Sans compter que lorsque l’on veut relire un passage qui nous avait particulièrement intéressé, la table des matières n’est d’aucune aide. On avance un peu dans le flou.

Le manque de science

Le livre fait la part belle aux écrivains, poètes, artistes en tout genre, on a également d’intéressantes mentions historiques, mais pas grand chose à se mettre sous la dent du côté biologique à part quelques études généralistes. On aurait aimé en savoir plus sur le poil dans sa fonction la plus brute, sa composition, son anatomie, ses maladies…

Pile poil

A l’exception de ces deux derniers points qui servent surtout à rappeler que la perfection n’existe pas, « Les petits cheveux » est un très beau livre, très réussi, bien documenté, avec une touche humoristique qui permet une lecture facile parmi la pléthore d’informations. Le genre de livre que l’on offre pour ne pas avouer qu’on l’aurait bien lu soi-même et qui fera toujours plaisir parce qu’il est agréable à lire et jamais tiré par les cheveux !